"Mon fils perd toutes ses parties. Il commence à se décourager et je ne sais plus quoi lui dire..."
Si vous lisez cet article, c'est probablement parce que vous vous reconnaissez dans cette situation. Et vous n'êtes pas seul : c'est la question n°1 que me posent les parents quand ils m'appellent pour des cours.
La bonne nouvelle ? Dans 95% des cas, c'est totalement normal et facilement corrigeable. Après 5 ans à enseigner les échecs à plus de 300 enfants, je peux vous dire une chose : perdre fait partie de l'apprentissage.
Mais il y a perdre... et perdre tout le temps au point de vouloir abandonner. Dans cet article, on va voir ensemble les 7 causes principales et surtout, les solutions concrètes que j'applique avec mes élèves.
Pourquoi c'est (souvent) normal au début
Avant de voir les causes, posons les choses clairement : aux échecs, quelqu'un perd à chaque partie. Ça paraît évident, mais c'est important de le dire.
Contrairement au foot où on peut invoquer le vent, l'arbitre ou la pelouse, aux échecs il n'y a aucune excuse. C'est très formateur... mais aussi très dur pour l'ego, surtout pour un enfant.
Les statistiques rassurantes
Sur mes 20+ élèves des 5 dernières années :
- 80% ont perdu leurs 10 premières parties
- 90% se sont découragés au moins une fois dans les 3 premiers mois
- Mais 75% ont continué et progressent maintenant régulièrement
Perdre au début, c'est la norme, pas l'exception.
Le problème, c'est quand ça dure. Voyons les 7 causes principales et comment les corriger.
Cause 1 : Il joue contre des adversaires trop forts
C'est la cause n°1, et de loin. Votre enfant joue probablement contre :
- Vous (qui avez 30 ans d'expérience de vie en plus)
- Son grand frère qui joue depuis 2 ans
- Des adversaires en ligne sans restriction de niveau
- Le "mode difficile" d'une application
Imaginez qu'on mette votre enfant contre Nadal au tennis en lui disant "allez, essaie de gagner". Absurde, non ? Aux échecs, c'est pareil.
La solution
Trouvez-lui des adversaires de son niveau :
- Sur Chess.com ou Lichess, utilisez le système de classement (Elo) et laissez-le jouer contre des joueurs à +/- 100 points
- Inscrivez-le dans un club où il rencontrera d'autres débutants
- Si vous jouez avec lui, laissez-le gagner de temps en temps (oui, vraiment). Pas tout le temps, mais assez pour qu'il garde confiance
Mon astuce de prof
Quand je joue avec un débutant, je me mets des handicaps : j'enlève ma dame, je joue avec 30 secondes de réflexion max, ou je m'interdis certains coups tactiques. Résultat : des parties équilibrées et intéressantes.
Cause 2 : Il oublie ses pièces (et les donne)
"Papa, j'ai encore oublié mon cavalier..." Cette phrase, je l'entends 10 fois par semaine.
C'est frustrant, mais c'est normal : le cerveau d'un enfant de 7-8 ans ne peut pas encore surveiller 32 pièces simultanément. C'est une question de développement cognitif.
La solution
Introduisez la règle du "dernier regard" :
- Avant de jouer son coup, l'enfant doit regarder toutes ses pièces une par une
- Il se demande : "Cette pièce est-elle attaquée ?"
- Seulement après, il joue
Oui, ça ralentit le jeu. Mais c'est temporaire. Après 2-3 semaines, ça devient automatique.
Exemple concret avec Lucas, 8 ans
Lucas perdait sa dame toutes les 3 parties. On a instauré cette règle + un petit carnet où il notait chaque fois qu'il sauvait une pièce grâce au "dernier regard".
Résultat : En 1 mois, il est passé de 5 pièces oubliées par partie à... 0. Et son Elo a grimpé de 200 points.
Cause 3 : Il joue trop vite
Votre enfant joue en 2 secondes chrono ? C'est probablement parce que :
- Il veut "en finir" (surtout s'il est déjà perdant)
- Il trouve ça ennuyeux de réfléchir longtemps
- Il joue en ligne avec des cadences trop rapides (1 minute, bullet...)
Le problème ? Aux échecs, la vitesse tue. Même Magnus Carlsen prend son temps.
La solution
Imposez des cadences adaptées :
- Pour un débutant : 10 minutes par joueur minimum (voire 15 ou 30)
- Bannissez le bullet (1 min) et le blitz (3-5 min) pour l'instant
- Instaurez la règle : "Tu dois toucher le bord de l'échiquier avant de jouer" (ça force à ralentir)
Et si votre enfant proteste qu'il s'ennuie, expliquez-lui : "Tu préfères jouer vite et perdre, ou jouer lentement et avoir une chance de gagner ?"
Cause 4 : Il ne connaît aucune ouverture
Beaucoup d'enfants (et de parents) pensent que les ouvertures, c'est pour les joueurs avancés. Erreur.
Connaître une ouverture simple, c'est comme avoir un GPS pour les 10 premiers coups. Ça évite de se retrouver avec un roi au milieu et des tours coincées dès le début.
La solution
Apprenez-lui UNE ouverture simple :
- Avec les blancs : La partie italienne (1.e4 e5 2.Nf3 Nc6 3.Bc4)
- Avec les noirs : Répondez simplement en miroir ou apprenez la défense française (1.e4 e6)
Pas besoin de connaître 15 variantes. Juste les 4-5 premiers coups, c'est déjà énorme.
Astuce pratique
Sur Lichess, utilisez l'outil "Ouverture contre l'ordinateur" en mode entraînement. Votre enfant peut répéter la même ouverture 20 fois jusqu'à la maîtriser. Ça prend 15 minutes max.
Cause 5 : Il abandonne mentalement dès qu'il perd une pièce
"J'ai perdu ma tour, c'est fini de toute façon..."
Cette phrase, je l'entends régulièrement. Et je comprends : perdre sa dame ou sa tour, ça fait mal. Mais voici un secret : au niveau débutant, perdre une pièce ne signifie PAS forcément perdre la partie.
Pourquoi ? Parce que l'adversaire va probablement faire une erreur aussi. Et souvent, plusieurs.
La solution
Changez son état d'esprit :
- Expliquez-lui que tant que son roi n'est pas mat, tout est possible
- Montrez-lui des exemples de retournements (cherchez "best chess comebacks" sur YouTube)
- Instaurez la règle : "On ne démissionne JAMAIS avant d'avoir essayé 10 coups"
Histoire vraie : Emma, 9 ans
Emma démissionnait dès qu'elle perdait une pièce. Je lui ai proposé un deal : jouer 5 parties complètes sans démissionner, même si elle était sûre de perdre.
Résultat : Sur ces 5 parties, elle en a gagné 2 (grâce aux erreurs de l'adversaire) et elle a appris à défendre des positions difficiles. Aujourd'hui, elle ne démissionne plus jamais.
Cause 6 : Il ne réfléchit pas aux coups de l'adversaire
Scène classique : votre enfant joue son coup, puis regarde ailleurs pendant que l'adversaire réfléchit. Puis c'est à nouveau son tour, et là : "Ah mince, il a attaqué ma dame !"
Le problème ? Il ne profite pas du temps de réflexion de l'adversaire.
La solution
Apprenez-lui le "cycle de réflexion" :
- L'adversaire vient de jouer → Posez-vous : "Qu'est-ce qu'il menace ?"
- Regardez si une de vos pièces est attaquée
- Cherchez s'il y a un piège
- Seulement après, réfléchissez à votre coup
Cette simple habitude peut faire la différence entre 400 et 800 Elo. Sans blague.
Cause 7 : Il n'a pas de plan (il joue au hasard)
Beaucoup d'enfants déplacent leurs pièces sans but précis. Un coup le cavalier, un coup le fou, un coup un pion... sans stratégie.
Le résultat ? Des pièces mal placées, aucune coordination, et des défaites incompréhensibles.
La solution
Donnez-lui 3 plans simples à appliquer :
- Contrôler le centre (les cases e4, e5, d4, d5)
- Développer toutes ses pièces avant d'attaquer
- Mettre son roi en sécurité (petit roque le plus vite possible)
Tant qu'il n'a pas fait ces 3 choses, il ne devrait pas attaquer. C'est une règle d'or pour débutants.
Exercice pratique
Après chaque partie perdue, posez-lui ces 3 questions :
- "As-tu contrôlé le centre ?"
- "As-tu sorti toutes tes pièces ?"
- "As-tu roqué ?"
Souvent, la réponse sera "non" à au moins 2 questions. Vous avez trouvé le problème.
Ce que VOUS pouvez faire en tant que parent
Au-delà des aspects techniques, votre rôle de parent est crucial. Voici ce que je recommande :
1. Ne dramatisez pas les défaites
Évitez les phrases comme "Allez, concentre-toi !" ou "Tu aurais dû voir ce coup !". À la place :
- "Tu as bien joué, ton adversaire était juste plus expérimenté"
- "J'ai vu que tu as bien défendu ton roi, c'est bien !"
- "Qu'est-ce que tu as appris dans cette partie ?"
2. Célébrez les petites victoires
Votre enfant a perdu mais :
- Il a tenu 30 coups au lieu de 15 ? → Progrès
- Il n'a oublié aucune pièce ? → Progrès
- Il a fait une belle tactique même s'il a perdu ? → Progrès
Apprenez-lui à mesurer le progrès autrement que par la victoire.
3. Ne comparez pas
"Le fils de Sophie a gagné le tournoi, lui..." → À éviter absolument.
Chaque enfant progresse à son rythme. Certains démarrent vite puis stagnent, d'autres mettent 6 mois puis explosent. Comparons-le seulement avec lui-même il y a 1 mois.
4. Limitez le temps d'écran
Si votre enfant joue uniquement en ligne, il va :
- Jouer trop vite
- Perdre beaucoup (matchmaking parfois inégal)
- Se décourager plus facilement
Privilégiez 1-2 parties en ligne + 1 partie "physique" avec vous ou dans un club.
Quand faut-il s'inquiéter vraiment ?
Dans 95% des cas, les défaites répétées sont normales et temporaires. Mais voici quand il faut peut-être agir différemment :
Signaux d'alerte :
- Votre enfant pleure systématiquement après chaque défaite
- Il refuse de jouer même avec incitation
- Il perd toutes ses parties depuis 6+ mois sans aucun progrès
- Il triche pour gagner (déplace les pièces en cachette, change les règles...)
Dans ces cas-là, c'est peut-être que les échecs ne lui conviennent pas pour l'instant. Et c'est OK. Mieux vaut arrêter temporairement que forcer et créer un dégoût permanent.
Ou alors, envisagez un prof
Parfois, un regard extérieur fait toute la différence. Un professeur :
- Identifie les faiblesses précises
- Propose des exercices ciblés
- Redonne confiance avec des victoires adaptées
- Apporte une motivation externe (l'enfant veut impressionner le prof)
Si vous êtes sur Paris, contactez-moi pour un premier cours offert. On fera un bilan ensemble et je vous dirai honnêtement si je peux aider votre enfant.
Conclusion : La défaite, meilleure prof d'échecs
Voici la vérité que personne ne dit : on apprend plus en perdant qu'en gagnant.
Tous les grands joueurs ont perdu des centaines de parties. Magnus Carlsen a perdu. Kasparov a perdu. Moi-même, à 2000 Elo, je perds encore régulièrement (et ça me frustre toujours autant).
Ce qui différencie un bon joueur d'un joueur moyen, ce n'est pas le talent. C'est la capacité à analyser ses défaites, corriger ses erreurs, et revenir plus fort.
Si votre enfant accepte de perdre, d'apprendre, et de réessayer, il a déjà tout compris.
Les 7 solutions en résumé
- Adversaires adaptés → Elo similaire (+/- 100 points)
- Règle du "dernier regard" → Vérifier ses pièces avant de jouer
- Cadences lentes → 10 minutes minimum par joueur
- Une ouverture simple → Partie italienne ou défense française
- Ne jamais abandonner → Au moins 10 coups même en mauvaise position
- Réfléchir aux coups adverses → "Qu'est-ce qu'il menace ?"
- Avoir un plan → Centre, développement, roque
Et n'oubliez pas : votre rôle de parent n'est pas de transformer votre enfant en champion. C'est de l'accompagner, le soutenir, et lui transmettre l'amour du jeu. Le reste viendra (ou pas, et c'est OK aussi).
Besoin d'aide pour votre enfant ?
Je propose un premier cours offert à Paris pour faire un bilan personnalisé et identifier les points de blocage de votre enfant.
Ensemble, on mettra en place une méthode adaptée pour qu'il reprenne confiance et progresse à son rythme.
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Article rédigé par Nicolas Musicki, professeur d'échecs à Paris et Versailles
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